Butte en permaculture : Effet de mode, ou réelle utilité ?

La permaculture est de plus en plus considérée comme un modèle agricole idéal.

Que ce soit à l’échelle d’un département, ou de votre famille, c’est le seul modèle qui vous pousse à voir au-delà de la récolte de cette année.

 

Il vous tire vers le haut.

 

Le modèle permacultural vous encourage à voir votre projet d’autonomie alimentaire sur toute une vie, afin de créer un système qui sera de plus en plus productif et autosuffisant.

Qui vous demandera de moins en moins de travail à terme, tout en vous fournissant ce dont vous avez besoin pour vous nourrir.

 

Mais, saviez-vous que dans les livres Permaculture 1 (le résumé est ici) et Permaculture 2 de Bill Mollison et David Holmgren, on ne parle à aucun moment de buttes ?

 

C’est marrant, car aujourd’hui, on appelle les buttes de permaculture, quelque chose qu’aucun des fondateurs de la permaculture ne connaissait.

Les buttes se sont greffées à la permaculture quand 2 permaculteurs ont gagné en visibilité.

Leur popularité à réussi à intégrer les buttes dans la permaculture, dans l’inconscient collectif.

 

Sommaire

La butte simple d’Emilia Hazelip

La première, c’est Emilia Hazelip, qui est “une agronome et naturaliste espagnole pionnière de la permaculture en France.” (copié / collé de Wikipédia)

C’est dans cette vidéo où elle présente sa butte de permaculture (j’ai réglé la vidéo afin qu’elle démarre au moment où elle présente sa butte :

 

Comme vous pouvez le voir, cette butte est très simple :

  • On prends la terre des allées
  • on s’en sert pour créer une butte
  • on recouvre l’ensemble de paille

L’objectif de cette butte, c’est :

  • d’avoir des planches de culture surélevées, afin d’avoir des zones bien drainées, et pouvoir travailler sans trop se baisser
  • de créer des planches de cultures sur lesquelles on ne marche pas afin que la terre devienne toujours plus meuble
  • on paille afin que la terre soit toujours couverte pour de protéger la vie du sol et éviter l’érosion

 

Cette méthode n’est pas très critiquée (même si, en fin d’article, on verra comment faire plus simplement).

Par contre, le second pionnier des buttes en permaculture propose un système qui est fortement controversé.

 

La butte Hugelkultur, de Sepp Holzer

 

Certains maraîchers et autres professionnels du sol lui reprochent de mentir sur les bienfaits de sa butte.

Certains permaculteurs ont eux aussi pris leur distance avec cette méthode qui, en plus d’être critiquée, est très compliquée à mettre en place.

Il s’agit de la butte Hugelkultur, inventée par Sepp Holzer, un agriculteur / permaculteur autrichien.

Voici le principe :

  • le sol est creusé afin de récupérer la terre
  • de grosses branches et des troncs frais sont entassés
  • puis on recouvre cet ensemble avec de la terre

Les bienfaits prétendus de cette méthode sont que le bois va se décomposer. Ce bois va se transformer en nutriment que les plantes vont adorer.

De plus, le bois va commencer à pourrir. Il va devenir spongieux et va retenir l’humidité. Grâce à ça, on va avoir de moins en moins besoin d’arroser. La butte va devenir de plus en plus autonome et autofertile.

 

Enfin … en théorie.

 

Dans l’entretien entre Christophe Gatineau* et Claude Bourguignon, tous deux agronomes, on a l’explication du non-sens de cette méthode.

En effet, les champignons sont les seuls à pouvoir transformer la lignine en humus. La lignine, c’est un des principaux composants du bois. Tout comme nous, ces champignons ont besoin d’oxygène.

Mais, plus l’on s’enfonce dans le sol, moins l’oxygène est présent. Donc, la décomposition du bois ne se fera pas, ou de manière tellement lente qu’on ne profitera pas des bienfaits.

On n’aura pas les nutriments en masse comme prévus ni la réserve d’humidité qui rendrait la butte autofertile.

Il y a un second effet recherché dans les buttes en permaculture.

C’est cet effet qui me fait un peu peur.

 

Les buttes de permacultures permettent de booster les récoltes !

Parfois, ce n’est même pas l’objectif premier de la personne qui crée la butte et la partage.

Pourtant, c’est ce que les gens retiennent.

Cet effet, c’est l’effet de boost. “Si je fais une butte en permaculture de telle façon, alors je vais avoir une plus grosse récolte que mon voisin”.

 

Oui, je grossis le trait.

 

Mais, qu’est-ce qui vous motive à faire une butte ?

Est-ce que c’est d’appliquer la permaculture comme un puriste ?

Dans ce cas, vous pouvez oublier les buttes dans la majorité des cas.

Est-ce que c’est recréer de la fertilité ?

Dans ce cas, il y a des buttes non durables qui peuvent faire le job, en trois fois moins de travail.

Avoir une meilleure récolte que tout le monde, alors que vous n’avez pas encore commencé à jardiner ?

Là, ça devient problématique, de mon point de vue. 

J’ai peur que beaucoup se lancent en pensant que les buttes sont une solution miracle. 

Je n’arrive plus à retrouver la photo. C’était un permaculteur qui montrait les légumes de ses buttes. Ses légumes étaient énormes.

Le sous-entendu : les buttes de permacultures sont tellement efficaces que votre récolte va tripler de volume.

Et là … La permaculture rentre dans le même moule que celui des régimes.

“Utilisez cette méthode pour perdre 3 kilos chaque semaine, sans jamais les reprendre”

“Utilisez ma butte de permaculture pour multiplier par 3 vos récoltes”.

 

Le meilleur raccourci, c’est l’expérience

De mon point de vue, le meilleur raccourci, c’est le travail et l’expérience.

Plus vous êtes expérimenté dans un domaine, plus vous voyez les opportunités… et moins vous vous laissez déconcentrer.

Avant de penser aux raccourcis, le plus important c’est de maîtriser les basiques :

C’est qu’une fois qu’on maîtrisera les basiques et qu’on aura des résultats satisfaisants, qu’on pourra se permettre de faire des “tests originaux ».

Surtout quand ces tests peuvent prendre un temps fou à implanter …

 

Les buttes, c’est beaucoup de boulot, pour pas grand-chose

Désolé si vous comptiez que je vous encourage à faire une butte. Mais réfléchissons ensemble aux avantages des grosses buttes qui sont mignonnes en photos. 

Les avantages qu’on nous vend :

  • Un effet booster : théoriquement, c’est l’empilement des couches + la facilité qu’ont les racines à se nourrir et se développer qui le provoquent. Dans ce cas, pas besoin de passer des heures à construire des buttes de plus de 50 à 80cm de hauteur comme certains le préconisent ! Il suffit d’empiler les couches à plat
  • Un réchauffement du sol accéléré : Si c’est cet effet que vous recherchez, pourquoi ne pas commencer à faire des planches surélevées de 20 centimètres ? À la fin de l’année, elles ne feront plus que 10 cm, mais elles seront surélevé et se réchaufferont plus rapidement
  • Favoriser le drainage : dans ce cas, les grandes buttes peuvent devenir un problème, car elles sont tellement hautes que l’eau va s’écouler bien trop rapidement.

Ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a pas forcément besoin de faire autant d’effort et d’originalité pour obtenir des effets intéressants.

 

Mais alors, est-ce que les buttes sont à proscrire ?

Dans la majorité des cas, oui.

Mais, si :

  • votre sol n’est pas fertile
  • votre sol est hydromorphe

Dans ce cas, les buttes peuvent être intéressantes.

De plus, il y a deux types de buttes :

  • celles qui respectent les lois de la biologie des sols
  • celles qui ne les respectent pas, comme le fait d’enterrer du bois vert

Dans le premier cas, il n’y a aucun problème à créer une butte. 

 

La bonne question à se poser est : avez-vous besoin de mettre tant d’efforts dans une butte ?

 

Si vous voulez commencer à faire des buttes, pourquoi ne pas commencer par les plus simples ?

La butte en lasagne fait partie des buttes non pérennes, qui créent de la fertilité. De plus, elles font partie des plus simples à mettre en œuvre.

Dans son livre “Permaculture au jardin”, Damien Dekarz décrit 4 buttes, dont celle d’Emilia Hazelip, sans avoir de préconisation sur la hauteur à lui donner.

Ces 4 buttes ont tous les avantages que vous pouvez rechercher dans la culture en butte :

  • empilement des matières organiques : 
    • on apporte tous les besoins de la plante en NPK
    • le carbone va stimuler la vie du sol = recréer de la vie
  • travail en surface en respectant la vie du sol :
    • on ne vient pas déranger la vie du sol, car on créait la butte au-dessus du sol. en gros, on emmène de la nourriture au sol
  • travail sur planche surélevé :
    • permet de mieux drainer
    • on couvre le sol : protéger la vie du sol

Je vais vous en détailler deux, qui à mon sens, sont les meilleures pour commencer.

 

La butte en lasagne

Cette butte est temporaire. Elle permet de recréer rapidement la fertilité du sol.

Voici comment la créer:

  • Commencez par une couche de 10 cm de matières carbonées : paille, foin, boita, etc. …
  • Puis, ajoutez par-dessus 10 cm de matières azotées : tonte, fumier frais, feuilles vertes, etc. …
  • Répétez ces couches 2 à 3 fois selon les matières que vous avez à disposition
  • Recouvrez l’ensemble de 20cm de terre
  • terminez par un paillage qui permettra à la terre d’être toujours couverte

 

La butte en bois et azote

Cette butte ressemble fortement à la butte Hugelkultur, que j’ai critiquée plus haut :

  • on entasse du bois
  • on le couvre de matière azotée
  • on recouvre de terre
  • puis on met un paillage qui protège la terre

La différence réside dans le bois.

Ici, ce n’est pas du bois frais qu’il faut mettre. C’est du bois dégradé. Ce bois est friable et spongieux.

Ce bois est une vraie éponge à eau.

Il va vraiment absorber l’humidité.

De plus, rien n’est enterré ici. Tout est posé sur le sol.

La vie aérobie peut continuer à prospérer.

Vous avez maintenant des idées de buttes que vous pouvez implanter chez vous.

Elles sont les plus faciles à mettre en place.

Vous allez pouvoir constater les bienfaits – ou non – par vous-même.

Les résultats que vous obtiendrez seront le meilleur indicateur.

Après, vous saurez si vous devez évoluer vers un système de buttes plus complexe, ou non.

 

Sources citées dans l’article :

  • http://www.lejardinvivant.fr/2015/10/26/a-lombre-dun-chene-seculaire-avec-claude-bourguignon-entretien-exclusif/
  • La permaculture au Jardin – Damien Dekarz

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